Le soleil, 3 janvier 2010, Pierre-André Normandin
Boisé Saint-Émile: demande citoyenne ignorée
(Québec) Six mois avant que la Ville de Québec n'autorise la construction de maisons dans un boisé de Saint-Émile, de nombreux citoyens en demandaient pourtant la protection. C'est en effet l'une des deux principales revendications exprimées lors de la consultation publique menée au printemps sur le Plan vert, bleu, blanc.
En mai et en juin, la population était invitée à se prononcer sur ce projet de l'administration Labeaume, qui cherche à favoriser les activités de plein air dans la capitale. Si seulement 22 personnes ont participé au forum citoyen organisé le 13 juin, 111 personnes ont commenté le plan sur le site Internet de la Ville et 37 mémoires ont été déposés.
Rendu public seulement à la mi-décembre, le rapport sur cette consultation contient deux principales demandes : la sauvegarde des boisés de Saint-Émile «menacés par des projets immobiliers» et le développement d'endroits dédiés au vélo de montagne. Fait intéressant à noter, plusieurs personnes sondées ont lié les deux revendications, suggérant à la Ville de permettre la pratique de ce sport en pleine croissance dans ce secteur accidenté.
En fait, pas moins de 84 des 111 sondés ont appuyé ces deux demandes. En comparaison, seulement une personne a demandé la préservation du boisé Neilson, un enjeu qui a pourtant maintes fois défrayé les manchettes en 2009.
Mais voilà, Québec étant confrontée à une pénurie de terrains, les élus ont accepté lors du dernier conseil municipal d'ajouter une importante partie de ces boisés au périmètre d'urbanisation, cette limite à l'intérieur de laquelle la Ville peut se développer. L'espace ainsi rendu disponible à Saint-Émile pour les promoteurs immobiliers couvre 34 hectares, soit plus de deux fois la superficie de l'anneau de course sur les plaines d'Abraham.
Seuls deux conseillers se sont opposés à la décision de l'administration Labeaume, dont l'élu du secteur, Steeve Verret. Ce dernier soutenait que la bande forestière se trouvait à l'intérieur du bassin versant du lac Saint-Charles, principale source d'eau de la ville de Québec. L'argument avait été balayé par l'administration Labeaume, qui affirmait avoir obtenu l'assurance du contraire. Et donc que l'ajout de maisons n'aurait pas d'impact sur l'eau se trouvant dans la rivière.
Or, les deux tiers du boisé se trouveraient bel et bien dans le bassin versant, selon la carte diffusée par l'Association pour la protection de l'environnement du lac Saint-Charles. Celle-ci permet également de constater que le terrain rendu disponible à la construction se trouve à 1,5 km de la prise d'eau où s'abreuve la moitié de la population de Québec.
Depuis les fusions municipales, Saint-Émile a connu un fort développement résidentiel. Près de 900 maisons unifamiliales y ont été construites entre 2002 et 2008, la plus forte croissance de toute la ville.
Le rapport sur la consultation publique du Plan vert, bleu, blanc souligne d'ailleurs l'indignation de plusieurs sondés déçus par l'absence de projets pour le secteur. «Or, les habitants du quartier sont jeunes et actifs, alors qu'il manque d'infrastructures et d'espaces de loisir», peut-on lire parmi les commentaires. Lors du passage du Soleil, des gens étaient d'ailleurs à faire de la raquette dans les boisés pendant que des motoneigistes circulaient non loin.
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