lundi 29 septembre 2008

Petite sortie d'une écrivaine canadienne sur les coupures à la culture

J'ai découvert Margaret Atwood dans un cours de littérature anglaise, c'est une écrivaine chevronnée qui a écrit des essais aussi, des poèmes, qui est décorée mondialement et vient de Sault-St-Marie en Ontario. Elle a déjà beaucoup écrit sur l'identité canadienne et vient tout juste de publier au sujet de l'économie ! Concernant la culture, elle a écrit un article dans le Globe and Mail le 24 septembre qui est un vrai bijou.

Ça n'a rien à voir avec les arbres, directement, mais dans un effort pour la liberté d'expression et ceci étant un blogue, je vais essayer de le traduire de mon mieux pour mes amis francophones.

Être créatifs est effectivement Canadien
Mr. Harper a tort : Il y a beaucoup plus aux arts qu'une clique de gens riche qui chignent sur leurs subventions


MARGARET ATWOOD

Globe and Mail de Jeudi

24 septembre 2008

Dans quel genre de pays voulons-nous vivre ? Dans quel genre de pays vivons-nous présentement ? Qu'aimons-nous ? Qui sommes-nous ?

Présentement, nous sommes un pays très créatif. Depuis des décennies, nous frappons au-dessus de notre calibre dans l'arène mondiale - en littérature, en musique populaire et dans bien d'autres domaines. Le Canada était autrefois le vide culturel sur la carte mondiale, maintenant c'est une force. De plus, les arts sont un segment important de notre économie : le Conference Board du Canada estime que le secteur culturel du Canada génère 46 milliards $, ou 3,8 % du PNB du Canada, en 2007. Et, selon le Conseil des arts du Canada, en 2003-2004, le secteur compte environ 600,000 emplois (à peu près la même chose que l'agriculture, la foresterie, la pêche, les mines, le pétrole et le gaz et les services publics tous combinés).”

Mais le Premier ministre Stephen Harper nous envoie le signal qu'il accorde très peu d'importance à ces faits. Mardi, il nous a dit qu'un groupe nommé *gens ordinaires* ne se souciait pas de quelque chose que l'on appelle *les arts*. Son idée *des arts* consiste en une clique de gens riche qui chignent sur leurs subventions. Et bien, je peux compter le nombre d'écrivain moyennement riches qui vivent au Canada sur les doigts d'une main : Je suis l'une d'eux, et je ne prétend pas être Warren Buffett. Je ne me plaint pas au sujet de mes subventions car je n'ai pas de subventions. Je me plaint au sujet des autres subventions - les subventions pour les jeunes, qui peuvent les aider à devenir comme moi, pour ensuite payer les gouvernements fédéraux et provinciaux le genre de taxes que je paye, et ainsi combler les salaires de personnes telles que m. Harper. En fait, moins de 10 pourcents des écrivains vivent de de leur plume, même si ce salaire est modeste. Ils ont d'autres emplois. Mais les gens écrivent, et veulent écrire, et remplissent les classe de rédaction créative, parce qu'ils adorent cette activité - et non parce qu'ils pensent qu'ils deviendront des millionnaires.

Chacune de ces personnes est une *personne ordinaire*. La conception de m. Harper d'une personne ordinaire est celle de gens bougons envieux sans une miette de talent artistique ou de créativité ou curiosité, et aucune appréciation de la beauté ou de l'esthétique. Mon idée d'une personne ordinaire est plutôt différente. Les êtres humains sont fondamentalement créatifs. Pendant des millénaires nous avons utilisé notre créativité dans la culture - culture avec des langues, des architectures, des cérémonies religieuses, des danses, de la musique, des meubles, des textiles, des vêtements et de la cuisine spéciale, tous originaux. Les gens ordinaires s'entassent sur les sièges dans des concerts et remplissent les théâtres là où des opéras leur sont présentés en direct. L'audience pour tous *les arts* au Canada est beaucoup plus imposante que celle des évènements sportifs. “Les arts” ne sont pas un *foyer d'intérêt* (niche interest). Ils font partie de l'être humain.

De plus, *les gens ordinaires* sont des participants. Ils forment des clubs littéraires et prennent des cours de toutes les sortes - peinture, danse, dessin, poterie, photographie - uniquement pour le plaisir. Ils chantent dans des chorales, des églises et ailleurs, jouent dans des fanfares. Les enfants commencent par des groupes de garage et font leurs propres vidéos et art sur le web, publient leur musique sur Internet, dessinent leur propres bandes dessinées. Les gens ordinaires ont aussi d'autres soupapes pour leur créativité : le tricot et la confection d'édredons ont fait un retour; le jardinage est pris très au sérieux, l'atelier de bricolage du bois est actif dans la maison. Ajoutons l'origami, la conception de costumes, la décoration d'œufs, l'arrangement floral, et ainsi de suite... Les Canadiens, semble-t-il, aiment concevoir des choses et apprécient les choses qui sont fabriquées.

Ils montrent leur appréciation en contribuant. Les Canadiens de tous les âges deviennent bénévoles en grands nombres pour les musées locaux, les galeries d'arts et les nombreux festivals culturels - il me vient à l'idée le nouvel An Chinois et le festival des Caraïbes de Toronto, mais il y en a tant d'autres. Les Salons du livres qui ont apparu partout dans le pays - des bénévoles les mettent en œuvre et fournissent la nourriture, et des *personnes ordinaires* trimbalent leur chaises pliante dans le champ - comme en Nouvelle-Écosse, au festival intitulé Read by the Sea (Lecture sur le bord de la mer) - pour entendre des écrivains locaux et nationaux lire et expliquer leur travail. M. Harper nous a signalé qu'en ce qui le concerne, ces millions d'heures d'activité bénévole sont une perte de temps. Il les dédaigne.

Je propose qu'étant donné l'immense somme d'énergie que nous dépensons sur les activités créatives, être créatif soit *ordinaire*. C'est une particularité humaine normale qui remonte au début des temps : tous les enfants sont nés créatifs. C'est le manque d'appréciation de ces activités qui n'est pas ordinaire. M. Harper nous a démontré qu'il n'a ni connaissance, ni respect des capacités et des intérêts des *personnes ordinaires*. C'est lui le *foyer d'intérêt*. Pas nous.

Il a été suggéré que le dédain de monsieur Harper n'est pas seulement un manque d'intérêt ou une sourde oreille - que c'est une *motivation idéologique*. Maintenant je me demande bien ce que cela peut vouloir dire ? M. Harper a dit avec raison que les gens comprennent que nous devons respecter un budget. Mais ses propres contributions à ce budget ont été de passer le surplus créé par les Libéraux par-dessus bord pour ne plus avoir de réserve aux jours de vaches maigres, et maintenant, en plus, il veut mettre en jeu 600,000 dans les arts et ces milliards de dollars qu'ils génèrent pour les Canadiens. C'est quoi cette idée ? Que les emplois en arts ne devraient pas exister parce que les artistes sont méchants et ne voteront peut-être pas pour m. Harper ? Que les Canadiens ne devraient pas faire de l'argent avec les arts maléfiques, mais seulement de l'honorable pétrole ? Que les artistes ne vivent pas tous dans une circonscription, alors on s'en balance ? Ou est-ce que la majorité de ces emplois en arts se trouvent en Ontario et au Québec, et que monsieur Harper est froissé avec ces provinces, et veut augmenter l'éviscération en Ontario - 20 milliards annuels des payeurs de taxes Ontariens qui sort, et un mince filet qui revient de peine et de misère à la province - et donner une bonne fessée au Québec pour être si désobéissant et ne pas apprécier sa grandeur ? Il aime punir, alors peut-être qu'écraser l'art en fait partie : frapper au cœur des origines (whack the Heartland).

Ou est-ce que c'est encore pire ? Chaque dictature naissante commence par le musèlement des artistes, parce qu'ils sont du type opiniâtre et ne se plient pas si facilement devant l'autorité. Bien sûr, vous pouvez toujours trouver des artistes plus doux pour concevoir les uniformes et les drapeaux et les documentaires sur vous, et ainsi de suite - la seule sorte d'art nécessaire - mais les voix individuelles doivent être tues, parce qu'il ne devra y avoir qu'une seule Voix : la Voix de notre Maître. C'est peut-être pourquoi m. Harper a commencé par la fermeture du fond pour les artistes à l'extérieur. Il n'aimait pas la compétition pour l'espace des médias.

Le cocus Conservateur a déjà appris cette leçon. Il y a des rumeurs que l'idée de m. Harper du type d'art qui devrait être accroché aux murs a été signalée par son enlèvement de toutes les photos des premiers ministres Conservateurs précédents du hall d'entrée - incluant John A. et Dief the Chief - et leur remplacement par nul autre que monsieur Harper lui-même. L'Histoire, semble-t-il, devra commencer avec lui. Dans les pays communistes, on appelait cela le culte de la personnalité. Toujours selon la rumeur, monsieur Harper est un gars qui a essayé de démembrer l'association étudiante au secondaire et a tenté la même chose au collège. Sa destinée l'appelle, tout comme elle a appelé Qin Shi Huang, l'empereur Chinois qui a brûlé toute trace des dirigeants avant lui. C'est un geste impulsif qui a été répété de nombreuses fois depuis, la liste est longue. Déchirer et tout raser, c'est le dicton habituel. Construisez alors une grande statue de vous-même. Ah maintenant, en voilà de l'Art !

Adapté du discours Hurtig 2008 qui sera livré cette semaine à Edmonton le 1er octobre

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