lundi 23 août 2010

Lettre touchante d'un organisme très sérieux

J'ai reçu une lettre adressée au Comité d'arbres de Charlesbourg et ce cri du coeur m'a tellement touchée que je me permet de la publier sur le blogue du Comité, afin que tous les amis puissent partager ces lignes...

Montréal, le 21 août 2010.

Cher Comité,

Ce ne sont pas les deux-cents cinquante kilomètres d’autoroute 40, ni la violence endémique confinant au génocide urbain de Montréal, ni les frasques du Maire Labaume en sa Vieille Capitale stupéfaite qui réussiront à dissimuler les atomes crochus que votre groupe de pression peut avoir avec le nôtre.

Pendant que vous en êtes à protéger des boisés, nous nous sommes donné comme mission de préserver cette végétation qui, à la faveur d’une désertion estivale, envahit les craques des pavages asphaltés de nos cours d’écoles. Bientôt, on va encore lâcher lousse dans ces cours des vilains cols bleus armés de leur méprisables « weed-eaters » qui pulvériseront en éclats ces innocentes pousses naissantes.

Et pourtant combien cette végétation mérite-t-elle d’être sauvée! En plus de purifier l’air, nous sommes ici devant les prémices de ce que pourrait avoir l’air la seule végétation viable après quelques décennies de réchauffement climatique. La ligne de verdure qui serpente dans la mer asphaltée c’est une arche de Noé d’ADN!

Le petit bouton de camomille sauvage qui tend timidement un fragile pétale vers le soleil, c’est toute la métaphore de la petite vie qui cherche encore à éclore dans les rares brèches de l’économie du complexe militaro-industriel.

Tout l’été nous avons assis notre désœuvrement sur les marches des écoles, affrontant les dernières heures des jours de fournaise estivale armés seulement que quelques breuvages thermorégulateurs. Nous avons répertorié ces petites plantes : pissenlits, plantain, camomille sauvage, etc. Nous avons inséré quelques affichettes dans les fentes de l’asphalte. Nous avons organisé des visites guidés où, pour un léger supplément, nous y allions mêmes de quelques commentaires oraux approximativement scientifiques.

Nous avons incité certains enfants à se constituer quelques herbiers d’une végétation authentiquement urbaine. Ah! Qu’il était beau de voir revenir dans le soleil couchant ces petits enfants claudiquants et dégénérés --généralement des reliquats d’accouplement consanguins dans les ruelles obscures-- venir déposer à nos pieds, les yeux rougis et des fleuves de morve sous le nez, de larges brassées d’herbe à poux.

Il y a de quoi rêver en regardant ces grandes lézardes vertes dans une grande surface grise. On aurait dit des éclairs de joie dans un ciel de morosité entretenu par l’appétence capitaliste. C’est de la poésie pure.

« There’s a crack in everything,
That’s where the light comes from »
Leonard Cohen


Oui, nos combats convergent vers les mêmes buts et nous remercions un ciel, quoique gris, bas, humide et étouffant, du jour où nous sommes tombés sur votre site internet. Nous demeurons, encore à ce jour, sidérés par la clarté de vos arguments et par la pertinence des recommandations que vous faites à vos concitoyens. Nous relisons, en boucle, votre site comme un mantra rythmant notre quotidien. À grands coups de claques dans le front, nous nous demandons comment nous n’y avons pas songé nous-mêmes plus tôt!

Nous avons d’ores et déjà détourné notre gouttière vers la cafetière 60 tasses dont chaque jour nous repoussons les limites de la production. (Des autorités surveillantes et médicales nous interdisent tout autre breuvage; mais je reviendrai sur ces considérations un autre jour). Nous avons remplacé le bol de toilette d’un réduit adjacent par une de ces poches-filtres avec lesquelles les randonneurs des landes désertiques réussissent à transformer une déssicante expédition en une surboom de réhydratation.

Au moment de conclure, nous voudrions préciser notre demande auprès de vous. Nous apprécierions, de votre part, une lettre de référence, dithyrambique et enthousiaste, célébrant la pertinence de notre groupe égard à la préservation et à l’enrichissement de la biomasse de l’hémisphère nord. Venant d’un groupe de pression respecté, sinon craint, des trois paliers politiques, il n’est nul doute que ça va trembler dans les officines gouvernementales. Votre recommandation nous permettra sûrement d’aller chercher les généreuses subventions permettant à notre organisme de subsister jusqu’à la saison nouvelle. Inutile de vous rappeler que depuis la commission Gomery les temps se font durs pour les quémandeurs.

Outre que de glisser rapidement sur l’inextinguible soif de notre conseil d’administration, je vous prierais d’insister sur notre découvert bancaire qui nous contraindra sans doute sous peu, je le crains, à mettre la clef dans la porte et à repartir toute la patente sous un autre nom.


Tony Truand
Directeur-général autoproclamé
Comité pour la préservation de la végétation anfractuositaire
(C.P.V.A.)

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